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Rencontre avec la maison d’édition L’Âme au Diable
Nouvelle preuve de la vitalité de notre territoire en matière de littérature, la maison d’édition L’Âme au Diable pose ses valises en Côtes d’Armor avec un objectif : révéler le diable qui se cache derrière les mots. Entretien avec Stéphane Balcerowiak, maître des enfers littéraires et initiateur du projet.
Quelles sont la vocation et la ligne éditoriale de L’Âme au Diable ?
Tout au long de ma vie, j’ai été un grand lecteur de revues avec la célèbre NRF, mais aussi la Revue des Deux Mondes. Pour moi, un écrivain se doit de publier des textes en revue, qu’il s’agisse d’une entrée en matière avant la publication de textes plus long ou bien en parallèle du travail d’écriture de romans. C’est un format auquel j’ai toujours été très sensible. De ce fait, L’Âme au diable est d’abord une maison d’édition dédiée à la publication d’une revue éponyme.
Pourquoi avoir choisi de baptiser votre structure et votre revue ainsi ?
Lorsque l’on écrit, il y a une forme de pacte avec le diable, on couche son âme sur le papier, on se met à nu, un peu en danger en se révélant ainsi. L’écriture lorsqu’elle est vécue viscéralement peut perdre l’écrivain qui y consacre des heures, des jours et des semaines entières, parfois au détriment d’autres activités ou de relations sociales. Les textes que nous publions interrogent ainsi souvent le rapport ambigu que peuvent avoir les auteurs avec l’acte de création. Ce sont toujours des textes inédits, courts, qui questionnent cette part de noirceur que recèle l’écriture…
Quel regard portez-vous sur le milieu littéraire de notre territoire ?
Lorsque je me suis installé, j’ai tout de suite été frappé par la vitalité et le foisonnement culturel en matière de littérature ! Il y a de nombreux auteurs avec des profils très variés, beaucoup de libraires passionnés et tous m’ont réservé un accueil chaleureux et bienveillant. Pour le premier numéro (voir notre chronique dans le CRI d’avril dernier), ils sont ainsi seize écrivains à avoir fourni des textes inédits illustrant notre ligne éditoriale.
Les cinq portes de l’enfer, sélection littéraire diabolique signée L’Âme au Diable :
Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes
Le diable est partout chez Balzac. Il circule d’un bout à l’autre de La Comédie humaine, dans tous les milieux, librement et à toute vitesse. Parmi les liquidités et les titres, les bons du trésor et les mandats blancs. Il a le masque, le muscle et le rire de Vautrin, l’un des plus beaux démons que la littérature ait inventés.
Rimbaud, Une saison en enfer
L’enfant Rimbaud avait trouvé Dieu. Le poète cherche éperdument le diable. Il l’appelle, il l’implore. Et si Satan avait toutes les réponses ? Une quête infernale où Arthur laissera sa plume, sa jambe et son âme, mais où il retrouvera enfin l’éternité.
André Dhôtel, Idylles
Même dans la campagne la plus innocente, il y a toujours un coin où la Bête rôde. On a reproché à Dhôtel de ne pas s’intéresser au Mal, pulsion de toute création romanesque selon Georges Bataille. Cette collection de magnifiques nouvelles prouve le contraire : il parvient à faire pressentir la présence diabolique sous une phrase en apparence bénigne, et parfois derrière un simple mot.
Goethe, Faust I et II
Il n’y pas grand-chose à ajouter, tout est là. C’est l’un des plus beaux livres au monde. Nous avons, en France, la veine démoniaque de pouvoir lire Poe dans l’oeil de Baudelaire, et Goethe dans celui de Nerval. Ce qui fait mentir la réputation de « grand diviseur » dont s’enorgueillit le Prince des Ténèbres depuis deux ou trois mille ans : n’est-il pas plutôt le meilleur rassembleur de grands esprits qui soit ?
Dante, L’Enfer
Ce qui est diabolique avec ce long poème, c’est qu’on y entre plus facilement qu’on imagine. Pour la première fois dans l’histoire des lettres, un écrivain s’empare du « je » et le tend à son lecteur. C’est un tourbillon, qui ne fait pas ses sept cents ans. L’Enfer de Dante est si moderne qu’on pourrait y mettre tous les people d’aujourd’hui, de l’autocrate le plus fêlé au plus fielleux youtubeur.
Stéphane Balcerowiak & Virginie Le Lionnais © Marie Dhoste