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Carte blanche à Franck Guiblin

2 septembre 2016

Le chemin d’un gosse devenu chorégraphe.

Carte blanche à Franck Guiblin


- Alors, tu sautes ???
- Non, je ne saute pas. C’est trop haut !!
- Allez vas-y ! Je te récupère en bas.
- Non ! Non !! Je préfère rester dans la chambre, et maman va nous entendre.
- Bon OK, si c’est comme ça, je pars et tu resteras seul...
- Non, ne pars pas, ne me laisse pas ici.
- Alors, vas-y, saute !
-…

Il faisait nuit, ma sœur et moi marchions avec nos valises, retrouvant notre père. Une évasion nocturne pour fuir un "lien maternel impossible".


Des fois, je me demande ce que je serais devenu si je n’avais pas sauté. Aujourd’hui, j’ai 38 ans. Me voici père de deux enfants. Je peux prendre conscience de tout ce que mon père a fait pour nous et je suis fier de lui ! Il m’a fallu du temps pour réaliser. Il m’arrive par moment de me demander si j’aurais eu le courage de surmonter ces épreuves. Une vie à nous élever, à nous protéger, à sacrifier une partie de ses rêves.


Homme célibataire, alternant période d’activité et chômage, deux enfants à charge. Nous avions tous les stigmates des "cassos". Nous, les petits, les crevards, les pompeurs d’aides sociales, les assistés, le "cancer de la société".


Pour certains d’entre nous, c’est ce qui faisait notre identité et on le revendiquait ! Il y avait le quartier et le reste du monde. Je me souviens du lycée, quand on comparait le montant des aides sociales perçues avec les potes, quand on ramenait les desserts de la cantine à la maison le soir. On n’était pas malheureux, si ce n’est face au regard de ceux qui ne voyaient en nous que ces "cassos".


Aujourd’hui, je hais ce mot, et je l’entends sonner encore dans de trop nombreuses bouches, caractérisant certaines familles. Cas sociaux, terme péjoratif qui exclut, accuse et juge, mais qui oublie l’énergie déployée quand on est seul à élever ses enfants dans la précarité. Les pressions, les angoisses, tu les partages avec toi-même. Tu ne peux pas tomber. Tu dois assumer seul.
Par moment, j’aurais aimé bien plus de légèreté, que ce soit plus facile.
Quand tu commences à analyser les règles du jeu, tu te dis que celles-ci-étaient truquées depuis le début. Tout le monde n’a pas la même main de départ. Alors, soit tu fais avec et tu construis autrement ton "jeu", soit tu abandonnes la partie.


Heureusement, il y a des rencontres qui renforcent ton "je". Des personnes qui te voient avec un autre regard, réveillant ton potentiel. Ces référents, ces modèles, ces pères spirituels qui t’incitent à faire le saut, à lâcher prise, à prendre des risques et des directions contradictoires. Perdre ses appuis ne se fait pas sans un gage de sécurité et de confiance. S’émanciper, se dégager de ce déterminisme social, c’est un chemin périlleux, provoquant parfois un conflit de loyauté parental.


Aujourd’hui, je suis danseur-chorégraphe et je prends conscience de la chance que j’aie eu de pouvoir prendre ce chemin et de vivre de ma passion. Celui-ci n’est pas encore terminé, il restera toujours des obstacles à franchir, des périodes de vide. Mais je ne m’inquiète pas car je ne suis pas seul !
Je continue de sauter, de prendre des risques, avec la confiance transmise par toutes ces personnes. Sans elles, la partie ne se joue pas. Tous ces acteurs qui travaillent au quotidien dans les écoles, les MJC, tous ceux qui sèment des graines d’espoir chez des enfants soi-disant perdus. Ces hommes et ces femmes qui se battent au quotidien pour une véritable démocratisation des pratiques artistiques. Continuons à y croire ! L’art c’est aussi à nous, les petits, les "cassos"...


Franck Guiblin - Spectacle TransHumans © Vincent Paulic


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TransHumans est la nouvelle création de la Cie Arenthan, dirigée par le chorégraphe Franck Guiblin. Un voyage intemporel dans un univers post-apocalyptique, inspiré de la musique électronique de Régis Baillet. Naufragés d’un autre monde, cinq danseurs - tirés tout droit d’une bande dessinée d’Enki Bilal ou d’un film de science-fiction de Georges Miller - se lancent dans une lente procession, laissant naître une danse sacrée, organique et hypnotique. A noter, la présence sur scène du musicien-batteur Franck Richard.
Spectacle à découvrir le 8 octobre 2016 à Saint-Brieuc dans le cadre du festival Banc public et le 25 novembre 2016 à Loudéac, au Palais des Congrès et de la Culture. www.arenthan.fr

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A découvrir : un portrait sonore de Franck Guiblin réalisé par le collectif La Coupe aux Lèvres (duo formé par Barbara Daeffler et Maude Le Duc). Ce portrait est le premier opus d’un projet de série sur la thématique du talent. Tout en détaillant les enjeux de sa pratique, Franck Guiblin dévoile ses ambitions et ses rêves chorégraphiques, étroitement liés à sa passion et son talent de danseur.
 

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