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Carte blanche : Tangui Le Cras

28 mai 2018

Je ne veux pas être paysan

Carte blanche : Tangui Le Cras


A 4 ans, je l’annonçais fièrement, « Quand je serai grand, je serai moissonneuse batteuse ». Sur la ferme j’ai tout appris. C’était mon école. J’y deviens, au fil des années, le parfait petit paysan.


A l’adolescence, cette relation évolue. Je perçois les obstacles du métier et le plaisir s’étiole doucement. Les soucis s’enchaînent sur la ferme, je vois mon père se courber, ça finit par me cogner. Cela ne m’empêchera pas de m’engager dans un bac agricole. Je crois y être allé par habitude, par manque d’horizon. Au lycée je suis à l’internat et la distance finit par me plaire. Une nouvelle vie, je sors beaucoup, j’aime passionnément, je suis avide de musique. À la fin de ma terminale tout est dit. Je ne veux pas de cette vie dédiée au travail, je ne veux pas de la vie de mes parents, je ne veux pas être paysan. Je m’invente alors un nouveau parcours, dans la culture. Musicien, chargé de production, de communication, régisseur, tourneur, manager, j’apprends tout et je fuis la ferme.


Hiver 2013. J’ai 30 ans. Je visite mes parents. Nous prenons le temps des nouvelles en buvant le café. Cette cuisine n’a quasiment pas bougé depuis leur arrivée ici. Le même papier peint daté, cette même vieille gazinière qui a fait son temps, cela témoigne, je crois, du peu de temps qu’ils ont consacré à leur vie privée. En remontant dans ma voiture, je vois mon père sortir de la maison. Il fait froid, l’air est sec et la lumière vive. Il traverse la petite centaine de mètres qui le sépare de la laiterie, canne à la main, ça n’en finit pas. Il fait vieux comme ça, de dos. Il n’a pourtant que 53 ans. Je prends la route et je pleure de rage. Il ne se voit pas, chancelant, mais moi si, et cette image ne me quittera plus. L’homme robuste que je connaissais n’existe plus, il a perdu la force physique qui le caractérisait. Pour moi, il se tue pour ce métier qui n’épargne pas, il s’acharne alors que son corps ne le suit plus. Cette pensée est insupportable, ce travail est insupportable, je ne peux pas concevoir que ce soit un choix de vie.
Mais cette colère revêt un regard partiel. Car au fond, malgré toutes les difficultés accumulées, mon père travaille toujours sur sa ferme. Il doit y avoir de l’amour dans ce choix de vie.


« Je ne veux pas être paysan » est une rencontre sur le tard d’un fils avec son père. Une rencontre franche à l’heure pour moi d’une certaine maturité, d’une sortie irrévocable de l’enfance. A la veille pour lui, de quitter ce qu’il a mis une vie à construire.


Je ne veux pas être paysan © DR

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A 35 ans, Tangui Le Cras présente son premier film documentaire : Je ne veux pas être paysan. Centre breton, il travaille habituellement dans la musique, à la production d’artistes et à la régie d’évènements. C’est au contact de l’association Ty Films à Mellionnec qu’il voit, il y a cinq ans, la possibilité de raconter par l’image son rural, sa relation au travail, et notamment ses questionnements de fils de paysan.
Film en avant-première le samedi 2 juin 2018 à Rostrenen puis le vendredi 29 juin aux Rencontres du film documentaire de Mellionnec.
Diffusion TV : France 3 (juillet 2018), France 3 Bretagne (automne 2018). www.vivement-lundi.com

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